Comment voir des statues de Rodin sans débourser un sou, alors que les œuvres de ce sculpteur hors pair trônent désormais dans les grands musées internationaux, les fondations artistiques, etc. ? A Paris, il suffit de lever les yeux pour contempler des œuvres originales ou des bronzes du maître, sans passer par la case musée. Comment ? Suivez le guide… 

Statue de d’Alembert – Hôtel de ville
En juin 1879, Auguste Rodin, qui travaille alors pour le sculpteur Carrier-Belleuse, sollicite des autorités municipales la commande d’une statue dans le cadre du chantier du nouvel Hôtel de Ville, incendié pendant la Commune. En novembre 1880, la mairie choisit : ce sera une statue en pierre de d’Alembert. Le plâtre est accepté en septembre 1881 et l’œuvre livrée le 30 septembre 1882. Visible sans être remarquée, cette originalité parmi les statues de Rodin se trouve au premier étage du pavillon d’angle gauche, sur la façade principale (statue de gauche).

Balzac – Croisement du boulevard Raspail et du boulevard Montparnasse
Objet de controverses violentes, cette commande de la Société des Gens de Lettres ne fut finalement pas posée dans le jardin du Palais Royal mais au beau milieu du boulevard Raspail, quarante ans après la mort de Rodin, en juillet 1939. De son robe de chambre, seuls émergent son regard altier et sa lippe sensuelle. Marmoréen, distant, penché, Balzac est traité de façon allégorique par Rodin, qui rend hommage à la puissance créatrice et à l’immensité de l’œuvre de l’écrivain. Les utilisateurs du parking garent leur véhicule sans un regard pour le génie de Saché.

Ancien théâtre des Gobelins – 73 avenue des Gobelins
Ce théâtre fut construit par l’architecte Cusin (également auteur du théâtre de la Gaieté Lyrique) en 1869. Rodin sculpta les bas-reliefs représentant à gauche le drame, à gauche, et la comédie, à droite. le théâtre ferma ses portes en 1934, pour devenir un cinéma. Racheté par Gaumont en 1993, devenu le cinéma Gobelins-Rodin puis la Fauvette, fermé à nouveau en 2003, cet immeuble abrite désormais le centre de recherche sur le cinéma de la fondation Jérôme Seydoux Pathé. Le bar d’à côté s’appelle logiquement l’Entracte… 

Le penseur – Métro Varenne
Probablement l’œuvre la plus connue de Rodin, « Le penseur » appartient désormais à la culture universelle. Il représente l’écrivain Dante Alighieri (on le reconnait à son fameux bonnet) nu, assis, semblant contempler les groupes de damnés à ses pieds. La statue faisant en effet partie, à l’origine, de la Porte des enfers, qui devait s’intégrer dans le futur musée des Arts Décoratifs, et dont la commande fut passée en 1880. Rodin travailla sur différents modèles composant cette « fresque » en relief. Plusieurs personnages naquirent de cet œuvre monumentale qui marqua un tournant dans la carrière de Rodin : Le penseur, Le Baiser, Ugolin, La femme accroupie. Fugit Amor… Selon les termes de Rodin, le Penseur «n’est point un rêveur : c’est un créateur. » La station Varenne comporte deux statues de Rodin : Le penseur et Balzac. 

L’âge d’airain – Place Rodin (16e), cour du lycée Rodin (XIIIe).
Situé au beau milieu du terre-plein central de la place Rodin (place sans grand charme, il faut bien l’avouer), «L’âge d’airain» est réalisé par Rodin à son retour de voyage en Italie, en référence au troisième des âges de l’humanité décrits par le poète grec Hésiode. Parfaite maîtrise du corps humain, traitement sensible du modelé, subtils jeux d’ombre et de lumière : tout concordait pour faire triompher ce premier bronze de Rodin, réalisé en Belgique d’après un modèle, jeune soldat, nommé Alfred Neyt, et achevé en 1877. L’accusation tenace de moulage (même après les preuves apportées par Rodin) accompagna sa réception d’un parfum de scandale qui fit grandement la renommée des statues de Rodin.

Façade de l’hôtel de la Païva – 25 avenue des Champs Elysées
Esther Lachman, aventurière russe d’origine polonaise très modeste, devenue marquise portugaise, comtesse prussienne, maîtresse de Guido Henckel von Donnersmarck, cousin de Bismarck, reçoit de ce dernier un hôtel somptueux, construit pour 10 millions de franc-or ! Les travaux, commencés en 1856durent 10 ans. La baignoire de la comtesse comporte trois robinets, destinés à verser du lait d’ânesse, du tilleul et du champagne… La façade est ornée de sculptures réalisées par Rodin, alors ornemaniste, au début de sa carrière. Anecdote cruelle d’ironie : le journaliste chroniqueur Aurélien Scholl alla sur les Champs-Élysées voir où en était l’avancement de la construction de l’hôtel.
– « Où en sont les travaux ? » demanda une de ses connaissances.
– « Ça va, Le principal est fait. On a posé le trottoir ! » répondit Scholl…

Eve, L’ombre, La Méditation – Jardin des Tuileries.
Tirées de sa « Porte de l’Enfer », trois statues de Rodin ont eu leur vie propre grâce au maitre, qui les a déclinées en sujets individuels. Les trois bronzes sont visibles dans le jardin des Tuileries, sur la terrasse du musée de l’Orangerie. 

Victor Hugo – Angle des avenues Henri-Martin et Victor Hugo (XVIe).
En 1889, Jules Castagnary, nouveau directeur de l’Ecole des Beaux Arts, confia à Rodin le soin de réaliser un monument à la gloire de Victor Hugo, décédé en 1885. Le monument devait initialement être posé à l’entrée du Panthéon. Fortement encadrée, cette commande très convoitée récompensait le génie enfin reconnu de Rodin mais limitait sérieusement sa créativité. Après divers avatars sans grandes originalités, Rodin réalise une sculpture amendée pour les jardins du Palais Royal. Elle sera inaugurée en 1909, complétée par une muse en 1923 et finalement transférée au musée Rodin en 1934. Ce tirage en bronze, avec Hugo assis sur son rocher de Guernesey, appuyé sur son coude droit, semblant dompter les flots de sa main gauche, couronné par la renommée, et avec la Méditation ou Voix Intérieure à l’arrière du Monument, a été installé ici en 1964. 

Statue de César Frank – Cimetière du Montparnasse.
Rodin a exécuté ce médaillon pour la tombe du musicien César Franck au cimetière de Montparnasse. L’original en bronze, volé puis restitué, a été remplacé par une copie. A noter que le cimetière de Montmartre recèle aussi une des statues de Rodin : le buste du critique d’art, journaliste et directeur des Beaux-Arts Jules Castagnary. Idem pour le cimetière de Passy, qui abrite un médaillon de Rodin représentant Jehan de Bouteiller, journaliste et homme politique. 

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