Rien ne me fait plus rire que les choses qui dégénèrent, de façon comique, évidemment, involontaire ou pas. Vous allez comprendre… Je commence avec la statue de Montaigne, devant la Sorbonne… Suivez le guide, c’est moi.

Bien évidemment, tout le monde connait la charmante tradition estudiantine qui consiste à toucher le pied droit de Montaigne devant la Sorbonne, avant de passer un examen. Je n’ai jamais rencontré un étudiant ayant succombé à cette pratique. Et c’est plutôt les touristes qui s’amusent avec l’escarpin du rédacteur des Essais. Lequel escarpin a maintenant une couleur bien dorée…

Poursuivons la balade à Montmartre, place Marcel Aymé, où le malheureux passe-muraille emmuré et représenté sous les traits de son créateur, Marcel Aymé, offre une main secourable que s’empressent de presser les visiteurs du monde entier, qui ne connaissent pour autant ni Marcel ni son œuvre. La main a maintenant la couleur dorée caractéristique d’un tripotage régulier. Pour l’anecdote, la statue est de Jean Marais et, un peu comme ses films de cape et d’épée, elle a bien mal vieilli…

Et c’est là que ça commence à dériver. Car la statue de Dalida à Montmartre est l’objet d’une forme d’imposition des mains qui n’a rien à voir avec le shiatsu mais tout avec le culte des grosses poitrines.

Ne nous arrêtons pas en si bon chemin et filons au Père Lachaise, où le gisant de Victor Noir se fait tripoter la virilité du matin au soir. Soi-disant pour s’attirer les vertus de fécondité dont seraient dotés les mânes du malheureux journaliste, tué à l’âge de 21 ans d’un coup de feu par le prince Pierre-Napoléon Bonaparte, parent en disgrâce de l’empereur des Français, Napoléon III. Ce qui permit à Rochefort d’adresser ce trait fatal : « J’ai eu la faiblesse de croire qu’un Bonaparte pouvait être autre chose qu’un assassin…»

Du coup, des centaines de blaireaux viennent se faire prendre en photo devant ou sur le monument, la main ou pire frottant sur le bon endroit. Plus ça va et moins le bon goût s’y retrouve. Il faut rappeler que ce sont des étudiants qui ont lancé, dans les années soixante, ce culte en lustrant la partie bombée du gisant, attirant la presse sur la tombe. Tout est magnifiquement résumé dans cet article érudit mais néanmoins passionnant. Je vous en livre la conclusion : « Le culte sexuel autour de la tombe de Victor Noir peut être présenté sous la forme d’un processus d’invention de la tradition car il s’agit d’un culte dont les adeptes revendiquent la légitimité en recréant des liens imaginaires avec le passé. » Imaginaire est bien le mot.
Souhaitons bonne chance aux adeptes des lustrations sexuelles de statues. Je leur lance un défi : seront-ils ou seront-elles capables de faire la même chose avec les valseuses du centaure de César, place Michel-Debré à Paris. Elles avaient été peinturlurées en bleu, fut en temps. Mais les lustrer, ce sera une autre paire de manches. Pour l’instant, les dites paires sont encore hors d’atteinte, trop hautes, et « bonnes pour des goujats », comme disait le renard de la Fontaine.
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